Que ninguém se sinta obrigado a ler este blog... a sério, só o fiz para ver como é, para publicar aquilo que me vem à cabeça... o que nem sempre é interessante. Ne vous sentez pas obligés de lire ce blog... je l'ai fait uniquement comme expérience, pour publier ce que je considère intéressant. Et tout est relatif. Surtout l'intéressance. Bref, bienvenue à mon blog! Bem-vindos ao meu blog!

segunda-feira, fevereiro 13, 2006

"Les Allemands ne nous étaient pas sympathiques non plus, mais on pensait qu'ils étaient venus pour faire justice..."

«- Ma fille, les choses, ici chez nous, ne sont pas aussi simples. Dans ce village, par exemple, les juifs et les polonais ont vécu ensemble pendant je ne sais combien de siècles, mais ils n'ont jamais sympathisé. Les Polonais peinaient dans les champs, les juifs, eux, étaient artisans ou commerçants, ils encaissaient le loyer des terres pour le compte des propriétaires et, à l'église, le curé disait que c'était eux qui avaient trahi le Christ et l'avaient crucifié. Nous n'avons jamais répandu leur sang, mais quand les Allemands sont arrivés en 1939, et qu'ils ont d'abord commencé à spolier les juifs, à se moquer d'eux, à les frapper et à les enfermer dans des ghettos, je dois dire la vérité...
[...]
... je dois dire la vérité, tout le monde a été content. Les Allemands ne nous étaient pas sympathiques non plus, mais on pensait qu'ils étaient venus pour faire justice, ou enfin pour prendre l'argent des juifs et nous le donner.
- Ils étaient donc tellement riches, les juifs de Zborz? demanda Gédal.
- Tout le monde disait que oui. Ils étaient mal habillés, mais les gens disaient que c'était parce qu'ils étaient avares.
[...]
Mais les choses sont devenues encore plus compliquées après, quand les Allemands ont donné des fusils aux Ukrainiens pour qu'ils les aident à massacrer les juifs (au lieu de ça, les Ukrainiens tiraient sur nous et emmenaient notre bétail) [...] Sur vous autres, j'ai changé d'avis après, quand j'ai vu de mes yeux ce que les Allemands ont fait aux juifs d'Opatow.
- Qu'est-ce qu'ils leur ont fait? demanda Mendel.
- [décrit le massacre] Voilà! À voir les enfants tués de cette façon j'ai commencé à comprendre que les juifs sont des gens comme nous, et que les Allemands auraient fini par nous faire ce qu'ils leur avaient fait. Et je vous raconte ça parce que quand on se trompe, il est bon de reconnaître ses erreurs, et aussi parce que vous avez fauché le seigle et arraché les pommes de terre.
[...]
- Tu ne sais pas tout. Il y a d'autres choses, tellement horribles que tu ne les croirais pas, et pourtant elles ont eu lieu non loin d'ici. Ne se sauvent que ceux des nôtres qui ont choisi de faire comme nous.
- Je me suis tout de suite aperçu de ça aussi, oui, que vous êtes armés.
[...]
-Pour nous aussi, les choses ne sont pas simples, dit Gédal. On est juifs, et on est russes, et on est partisans. En tant que Russes, on aimerait bien attendre que le front arrive jusqu'ici, et puis se reposer un peu et retourner chez nous, mais nos maisons n'existent plus, ni nos familles; [...] En tant que partisans, notre guerre est différente de celle des soldats, et tu le sais bien: elle ne se fait pas au front, mais dans le dos de l'ennemi. En tant que juifs, nous avons une longue route devant nous. Qu'est-ce que tu ferais, toi, en tant que maire, si tu te trouvais tout seul, à mille kilomètres de chez toi, et que tu savais que ton village, et tes champs, et ta famille n'existent plus?
- Je suis vieux, et je crois bien que je me pendrais à une poutre. Mais si j'étais plus jeune, j'irais en Amérique: comme mon frère qui a eu plus de courage que moi et qui a vu plus loin.
- Bien dit. Même parmi les juifs, il y en a qui ont des parents en Amérique et qui désirent aller les rejoindre. Mais dans notre groupe personne n'a de parents en Amérique: notre Amérique n'est pas si loin. Nous combattrons jusqu'à la fin de la guerre, parce que nous croyons que la guerre est une chose affreuse, mais que tuer les nazis est la chose la plus juste qu'on puisse faire aujourd'hui à la surface de la terre. Et puis nous irons en Palestine, et nous essaierons d'y bâtir la maison que nous avons perdue et de recommencer à vivre comme vivent tous les autres. C'est pour ça qu'on ne s'arrêtera pas ici et qu'on continuera de marcher vers l'ouest, pour être toujours derrière les Allemands et trouver le chemin qui nous mènera vers notre Amérique.
[...]
- Qu'est-ce que vous allez faire en Palestine?
- Cultiver la terre, dit Line. Là-bas, la terre sera à nous.
- Vous serez des paysans, alors? demanda le maire. Vous faites bien d'aller loin d'ici, mais ce n'est pas bon d'être des paysans. C'est un sale travail.
- Nous irons vivre comme vivent tous les autres peuples, dit Line [...]. On fera tout ce qui y aura à faire.
- Sauf d'encaisser les loyers pour les propriétaires des terres, ajouta Gédal.»
Primo Levi, Maintenant ou jamais

Sem comentários:

Arquivo do blogue