Que ninguém se sinta obrigado a ler este blog... a sério, só o fiz para ver como é, para publicar aquilo que me vem à cabeça... o que nem sempre é interessante. Ne vous sentez pas obligés de lire ce blog... je l'ai fait uniquement comme expérience, pour publier ce que je considère intéressant. Et tout est relatif. Surtout l'intéressance. Bref, bienvenue à mon blog! Bem-vindos ao meu blog!

segunda-feira, dezembro 26, 2005

extrait de...

... Ma vie avec Mozart, de Eric-Emmanuel Schmitt

«Cher Mozart,

C'était hier.
Alors que la ville ployait sous le vent et la neige, tu m'as surpris au détour d'une rue. Les larmes que tu m'as arrachées m'ont réchauffé d'une façon essentielle, le visage autant que l'âme. J'en tremble encore.
Noël avait jeté sur les trottoirs des centaines d'humains affolés à l'idée de manquer de cadeaux et de nourriture lors des festivités à venir. [...]
[...]
Une fois que mes sacs eurent englouti l'ultime cadeau nécessaire, je songeai à me réfugier dans un taxi pour rentrer et je trottai vers une station.
C'est là que tu intervins.
Une musique me fit pivoter: une chorale chantait.
Il y avait dans l'air quelque chose de probe, de recueilli qui m'immobilisa.
A cause de la neige, je ne pouvais poser mes paquets au sol par crainte que l'humidité ne les amollisse; je demeurai donc debout, les bras chargés, les épaules lourdes, les paumes sciées, à me laisser pénétrer par le mystère qui envahissait l'espace.
Quelques secondes plus tard, les larmes jaillirent de mes paupières, violentes, chaudes, salées, sans que je puisse les essuyer.
[...]
Je haussai la tête.
Noël au pied de la cathédrale...
Je n'avais rien remarqué auparavant.
[...]
Sur les marches, réfugiés sous les ogives qui les protégeaient des flocons, les chanteurs, collés, anorak contre anorak, des glaçons en formation sous les narines, émettaient de la buée chaque fois qu'ils ouvraient la bouche. [...]
J'avisai la partition du chef: Ave, verum corpus de Wolfgang Amadeus Mozart.
Encore toi?
[...]
Je levai les yeux vers les flèches, les gargouilles, l'enlacement des sculptures qui grimpaient jusqu'au clocher et ma vue se brouilla... Noël... Tu me révélais que nous vivions un moment sacré. Au plein coeur de l'hiver, à la saison où l'on craint que les ténèbres ne l'emportent, que le froid ne nous fige dans une glace définitive, lorsque enfin, vers le 20 décembre, la lumière recommence à croître, les hommes de toutes les civilisations se réunissent pour fêter le solstice, la clarté timide, le regain de l'espoir. [...]
En même temps, tu disais «Ave, verum corpus»: tu attribuais un sens religieux à cet instant.
Religieux, je ne le suis guère.
Insistant, mélodieux, d'une douceur inexorable, tu me contraignais pourtant à un examen critique. Pourquoi fêtes-tu Noël? me demandais-tu. Pourquoi dépenses-tu tant d'argent? Les réponses arrivaient à ma conscience et me faisaient peur. Alors que je me croyais bon depuis le matin, je découvrais que j'étais surtout très content de moi: j'effaçais l'égoïsme qui avait réglé mon comportement durant l'année, je compensais en cadeaux les intentions que je n'avais pas eues, les coups de téléphone que je n'avais pas rendus, les heures que je n'avais pas consacrées aux autres. Au lieu de rayonner de générosité, je m'achetais une tranquillité d'âme. Ma frénésie n'avait rien d'évangélique: un placement précis pour m'acquérir une bonne réputation. Je ne souhaitais pas la paix, je ne désirais que la mienne.
Or tu me rappelais que nous fêtions la naissance d'un dieu qui parle d'amour...
Alors, peu importe que j'y croie ou non, à ce dieu; dans la mesure où je m'autorisais à fêter Noël, au moins devais-je célébrer l'amour...
J'avais compris.
A la fin du morceau, bien que pesant toujours aussi lourd dans mes paumes déchirées, mes paquets avaient un sens différent: ils étaient lestés d'amour.
Le choeur apaisé qu'avaient exhalé ces vétérans, il me désignait un monde dont je n'étais pas le centre mais dont l'humain est le centre. Il exprimait une attention des hommes pour les hommes, un souci quant à notre vulnérabilité, notre condition mortelle. Voilà ce que disaient les tortues en bonnets de laine, sous les portiques de Saint-Jean.
Dans la nuit obscure de l'hiver et de la chair, nous étions frères en fragilité. Tu me révélais qu'il y avait un univers purement humain, établissant ses propres règles, ses croyances, ses rendez-vous où les voix s'enlacent en harmonie pour délivrer une beauté qui ne peut naître que de l'accord, de l'entente, au prix d'une recherche commune, d'un but consenti, d'une émotion partagée... Surgissait un monde parallèle à la nature, celle-là même que le gel, le froid, la nuit pouvaient anéantir. Un univers inventé, le nôtre. Cet univers-là, par ta musique, tu le reflétais, tu le dessinais. Peut-être le créais-tu?
A ce royaume - au-delà du christianisme et du judaïsme, indépendant des religions -, je voulais croire.
Aujourd'hui, je ne sais si Dieu ou Jésus existe. Mais tu m'as convaincu que l'Homme existe.
Ou mérite d'exister.»

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